Le 11 novembre 1918, est signé l’armistice de la première Guerre Mondiale. A l’occasion de cet anniversaire, nous avons choisi de mettre en lumière le rôle des « Gardiennes » durant la Grande Guerre.
Vos cours d’histoire vous ont probablement laissé en mémoire une histoire exacerbant la dichotomie des rôles sexués. Tandis que les hommes avaient pour noble mission de combattre sur la ligne de front, la mission des femmes était de s’occuper des enfants dans l’attente du retour des braves soldats.
Les plus assidus d’entre vous se souviennent peut-être que nombre de femmes, appelées « munitionnettes », ont travaillé dans les usines d’armement pour alimenter le front. Vous vous souvenez peut-être également de celles que l’on nomme les « Anges blancs » qui ont soigné, soulagé et accompagné les soldats blessés au front. Plus rarement, on évoque le rôle essentiel des autres femmes : conductrices de train, postières, magasinières, standardistes, couturières, agricultrices, etc.
Le 6 août 1914, le président du Conseil des ministres, René VIVIANI, lance un appel à remplacer les hommes partis au front : « Debout, femmes françaises, jeunes enfants, fils et filles de la patrie ! Remplacez sur le champ de travail ceux qui sont sur le champ de bataille. Préparez-vous à leur montrer, demain, la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés ! Il n’y a pas dans ces heures graves de labeur infime. Tout est grand qui sert le pays. Debout ! À l’action ! À l’œuvre ! Il y aura demain de la gloire pour tout le monde ! ». En pleine moisson et à la veille des vendanges, plus de trois millions d’ouvrières agricoles et de femmes d’exploitants prennent la place des hommes partis au front. L’enjeu est grand : sauver la récolte de blé sans quoi la population courra droit vers la famine !
Ainsi, alors que les femmes de la Grande Guerre sont toujours « incapable juridiquement » selon le Code Civil, celles-ci doivent apprendre à se débrouiller seules aux champs. Elles doivent notamment faire face au manque de chevaux puisqu’un tiers d’entre eux ont été réquisitionnés et à une pénurie d’engrais liée à la reconversion des usines chimiques pour les besoins de l’Armée. Alors que les soldats étaient partis pour une « guerre éclair » qui devaient durer que quelques semaines, très vite les combats contre les Allemands s’embourbent. Les femmes, qui devaient assurer la fin de la moisson et le début des vendanges, se retrouvent donc à assurer les productions pendant ces quatre longues années.
Outre les travaux aux champs pour remplacer les hommes, les femmes devaient également continuer à élever et éduquer les enfants, s’occuper des tâches ménagères et de la cuisine pour la famille. Elles devaient également porter assistance aux hommes démobilisés qui revenaient du front estropiés et traumatisés.
Après la Guerre, on veut un retour à la normal mais la perte d’environ 1,4 millions de militaires morts (soit plus de 10% de la population active masculine) et des millions de blessés et mutilés compliquent le retour à la vie d’avant. Ainsi, certaines exploitantes et ouvrières agricoles poursuivent le travail de leur mari ou fils décédés ou infirmes.
Toutefois, la démobilisation militaire des hommes s’érige comme un brutal retour aux rôles d’épouse et de mère pour la grande majorité des ouvrières et exploitantes agricoles. Celles que nous nommerons plus tard les « Gardiennes », qui ont abattu un travail considérable avec parfois peu de moyen permettant à la population et aux soldats d’éviter la famine, se retrouveront à nouveau dans l’ombre au retour des hommes.
Le conservatisme des rapports entre les sexes n’a pas totalement cédé à la Première Guerre Mondiale. L’émancipation escomptée par les associations féministes en réponse à l’effort de guerre des Françaises n’aura pas connu une ampleur suffisante pour leurs permettre d’obtenir le droit de vote contrairement aux femmes de certain pays voisins (Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Autriche, Hongrie, Royaume-Uni, etc.). L’envie de plus de liberté est étouffée par les manifestations politiques et culturelles du traumatisme collectif de la société.
Toutefois, de petites avancées ont été acquises. Grace au décret de Léon Bérard en 1924, les filles peuvent désormais passer le même baccalauréat que les garçons. Les mœurs évoluent également. La mode vestimentaire entravant le corps des femmes laisse place à une mode plus libérée. Les corsets, les vêtements longs et ajustés ou les chapeaux encombrants laissent place à des tenues plus amples et plus pratiques pour le travail.
Aujourd’hui, nous appelons les femmes qui ont travaillé dans les champs les « Gardiennes ». Ce terme est apparu dans le roman d’Ernest PEROCHON paru en 1924 qui dépeint la vie et le labeur de femmes de la campagne pendant la Première Guerre Mondiale alors que les hommes sont tous au Fronts. Pendant cette période, les Femmes sont devenues les « Gardienne du foyer et de la terre ».
SAMSON Charlotte, juriste au sein du CIDFF