Femmes et histoire : la parité au festival de Cannes

A l’occasion de la 77ème édition du festival de Cannes, revenons sur l’histoire de la parité femme-homme lors du festival.

Dans l’histoire du cinéma, la place des femmes a longtemps été compliquée, associant rémunérations inégales, harcèlement sexuel, abus de pouvoir et hypersexualisation.

  • Jury

En 1946, la toute première édition du festival de Cannes a lieu et parmi les 9 membres du jury il n’y a que des hommes. Pendant 20 ans, ce dernier fut présidé uniquement par eux et on observe la présence sporadique de quelques femmes parmi les jurés dès la deuxième édition : la réalisatrice française Renée Saint-Cyr a été la première  et seule femme a y siégé en 1947.

Toutefois, elles n’ont jamais été plus de deux a y participer. D’autant que la parité dans les membres fut introduite tardivement, en 2012. Dès lors, la composition a toujours respecté cette règle.

Au total, de 1946 à 2018, les femmes représentaient 172 jurés sur les 747 totaux.

Il fallut attendre 1965 pour, qu’enfin, une femme préside le jury : la comédienne Olivia de Havilland. En tout et pour tout, seulement 13 femmes ont occupé cette position au cours des 77 éditions, la plus récente nomination étant celle de Greta Gerwig, réalisatrice de Barbie. En moyenne, on dénombre 1 femme présidente toutes les 6 éditions du festival.

  • Sélections et récompenses

Concernant les récompenses et sélections en compétition, sur les 20 premières éditions, la part de femmes représentée était si faible que seules deux reçurent un prix :

  • 1961 : la réalisatrice soviétique Yuliya Solntseva a remporté le Prix de la mise en scène pour son film « La Chronique des années de feu » (depuis Sofia Coppola est la seule à avoir été récompensée par ce même prix en 2017)
  • 1946 : le film « La Symphonie pastorale », réalisé par la française Jean Delannoy, a remporté le Grand Prix du Festival de Cannes.
  • 1946 : Dorothy Arzner, une réalisatrice américaine, a reçu une mention spéciale pour son film « First Comes Courage ».

Quant à la fameuse Palme d’Or de Cannes, elle est passée entre les mains de seulement 4 femmes en 77 ans d’existence. Cela représente 2% des Palmes d’Or décernées par l’Académie :

  • 1946 : “La terre sera rouge” de Bodil Ipsen (en tant que coréalisatrice du réalisateur Lau Lauritzen Jr.)
  • 1993 : “La leçon de piano” de Jane Campion (nommée après un ex-aequo avec le réalisateur Chen Kaige)
  • 2021 : “Titane” de Julie Ducournau
  • 2023 : “Anatomie d’une chute” de Justine Triet

Depuis 1947, 1790 films ont été sélectionnés pour cette récompense et seulement 84 d’entre eux étaient les œuvres d’une réalisatrice.

Seules 5 femmes ont été récompensés par le Grand Prix (prix du long-métrage le plus original) : Márta Mészáros en 1984, Naomi Kawase en 2007, Alice Rohrwacher en 2014, Mati Diop en 2019 et Claire Denis en 2022.

Aucune femme n’a obtenu le Prix du jury avant 2000, et depuis l’on dénombre 6 récompensées, dont deux coréalisatrices.

La Palme d’honneur a foulé les mains de deux réalisatrices : Agnès Varda en 2015 et Jodie Foster en 2021 (avec Marco Bellocchio).

Enfin, le Prix du scénario a été remis à quatre femmes, dont une en coréalisation et deux à ex-aequo avec des hommes.

Ce sont donc des victoires en demi-teinte pour la plupart, puisque plusieurs d’entre elles sont des récompenses en coréalisation ou à égalité avec des hommes. Pour davantage d’informations concernant l’inégalité de sélection en compétition officielle, cliquez ici.

 

La part de réalisatrices sélectionnées en compétition officielle n’a pas fière allure non plus. En effet, dans les années 2000 elle était de 9%, puis 12% dans les années 2010, 24% en 2021 et 33% en 2023. (source :Le Collectif 50/50). En des termes plus clairs, au cours des 76 éditions passées, cela correspond à 93 films sélectionnés et réalisés par des femmes contre 1697 films sélectionnés et réalisés par des hommes.

 

Ces chiffres sont à mettre en parallèle avec la Charte pour la parité homme-femme, que le festival a été le premier a signé en 2020. Cette charte résulte d’une initiative de l’association 5050, citée plus tôt, et a pour objet la sensibilisation et la lutte pour la parité dans divers domaines de la société. Concernant le festival de Cannes, le déséquilibre représentatif est indéniable, et peine à se stabiliser malgré des mesures prises afin de lutter contre des inégalités de genre s’inscrivant dans un cadre social plus global.

L’État français a également reconnu cette problématique dans un communiqué publié le 15 mai 2023 (à lire ici) “la parité est encore loin”, mais porte une vision optimiste pour le futur.

Au-delà du festival de Cannes, le monde du cinéma reste profondément inégalitaire et machiste. Un constat observable avec le mouvement #metoo, et les critiques que subissent encore les femmes victimes prenant la parole. De plus, d’après le CNC, 30% des films d’initiative française étaient le fait de femmes en mars 2023 et en 2022, les films à gros budget sont presque toujours les œuvres de réalisateurs (une seule femme réalisatrice d’un film avec un budget de plus de 10 millions d’euros).