Chaque année à Halloween, elles reviennent en force, ce sont les sorcières. Comment pourraient-elles passer inaperçues, ces sorcières avec leur nez crochu et leurs verrues ? Toutes aussi vieilles et laides les unes que les autres. Le cliché de la sorcière est bien connu, et pourtant cette représentation, lourde de symbole, n’a pas toujours été.
En effet, le terme sorcière n’a vu le jour qu’au cours du XIeme siècle, tiré de la racine latine du mot sors : destin. La sorcière était alors considérée comme une personne capable d’influer le destin de quelqu’un. Avant cela, ces personnes étaient qualifiées de magiciennes, du mot perse magus qui signifiait sagesse ou science. Ces qualificatifs avaient pour cause que la sorcière, ou magicienne, outre les croyances, était souvent guérisseuse ou sagefemme. Elle était prêtresse, druidesse ou magicienne mais toutes étaient des femmes de savoir et de pouvoir, ce n’est qu’au moyen âge, avec la monté du christianisme et le relai des religions polythéistes au rang de paganisme, que les sorcières seront de plus en plus jugées et ostracisées.
A l’aboutissement de ces années de lynchage, deux textes, le Vox In Rama de 1233 et le Super Illius Specula en 1326, seront édictés. La papauté fait alors déclarer la pratique de la sorcellerie comme illégale. Ces femmes de savoir deviennent alors des hérétiques qu’il faut à tout prix arrêter. Avec le début de l’Inquisition, où le Pape souhaitait chasser toute hérésie, le premier procès « officiel » en France ne tardera pas à arriver. Ainsi, Jeanne de Brigue sera jugée le 29 octobre 1390 avant d’être amenée au bûcher en 1391. La sorcellerie devint alors un crime condamnable à la peine de mort.
Ces procès, en premier lieu rares, prendront les allures d’une chasse aux sorcières avec l’apparition d’un écrit qui mettra le feu aux poudres : le Malleus Maleficarum, ou Marteau des sorcières. Cet écrit, de l’inquisiteur Heinrich Kramer, servira de guide pour débusquer et de juger ces sorcières. La paranoïa s’empara alors de l’Europe, toutes les méthodes étaient bonnes pour faire avouer la sorcière et la punir. De plus, Kramer écrira « Toute sorcellerie provient du désir charnel qui est insatiable chez la femme ». Les femmes deviendront alors la cible prioritaire de cette chasse et constitueront 80% des personnes accusées et 85% des personnes condamnées.
La Renaissance, bien que connue comme une aire de connaissance et de lumière pour les hommes, n’illuminera ces femmes que par la lueur des bûchers qui les attendaient. De la sorte, entre le XVème et XVIIème siècle, ce sera des dizaines de milliers de femmes qui seront brûlées au titre de sorcière.
Cette époque d’obscurité finira tout de même par prendre peu à peu fin au cours du siècle des Lumières. La science et la philosophie mettront fin au règne de la terreur par l’explication claire de phénomène autrefois confondu avec de la sorcellerie. La sorcière sera reléguée aux contes de fée, sans oublier pour autant son passé, dérobant aux descriptions des femmes chassées tous ses mauvais clichés. La sorcière, devenu l’antagoniste principale de ces histoires, était alors décrite comme vieille, laide et indépendante tandis que la princesse était jeune, jolie, naïve et docile.
Bien que s’éteignant lentement en Europe, les buchers de sorcières ont continué de brûler en Amérique. Cette chasse, en plus de perdurer, a lentement changé de cible pour s’attaquer à une communauté fraichement affranchie. En effet, comme les communautés natives américaines, beaucoup de communautés afro descendantes ont continué de pratiquer leurs religions, amenant les autorités à les interdire et les punir afin de les effacer lentement du paysage.
Ce n’est qu’à partir du XXe que le terme « sorcière » est repris avec fierté par des femmes artistes puis par le mouvement féministe. La sorcière redevient alors ce qu’elle était avant d’être chassée : une femme libre, intelligente et indépendante. De fait, « être sorcière » désormais « c’est retourner la menace contre celui qui la formule ; c’est récupérer son histoire, l’augmenter, la réinventer et la questionner si nécessaire, pour mieux se situer, se construire, lutter et imaginer. » Barbara Ehrenreich.
Depuis, la pop culture redore l’image de ces femmes. Les sorcières sont ainsi futées, à l’image de Samantha Ma sorcière bienaimée, empathique et passionnée à l’image de Willow dans Buffy contre les vampires ou encore intelligente et engagé à l’image d’Hermione dans Harry Potter. En tout état de cause, la sorcière reste rebelle car indépendante d’esprit. Les sorcières sont également devenues images de soutien et de sororité comme peut le démontrer des séries comme Charmed ou Sabrina l’apprentie sorcière.
Alors, si l’envie vous prenait d’endosser ce costume pour Halloween, laissez tomber nez crochu et oubliez le terme de « vilaine sorcière » et adoptez plutôt le terme de « femme de pouvoir » 😉.