Femmes et histoire (partie 2) : Gisèle Halimi et la criminalisation du viol

À l’occasion du 43ème anniversaire de la loi ayant criminalisé le viol, dans cette seconde partie, nous reviendrons donc sur la chronologie de la reconnaissance légale du viol.

Nous l’avons mentionné dans la première partie, en obtenant la condamnation à 6 ans de prison d’un homme coupable de viol, alors même que la loi ne reconnaissait pas la gravité de l’acte, Me Halimi a facilité le changement sociétal et donc l’adoption de la loi du 23 décembre 1980.

En effet, avant 1980 le viol était pénalement punissable de 6 ans de prison mais il n’était pas défini par la loi ou simplement assimilé à un attentat à la pudeur.

Cela constituait alors un frein majeur à sa condamnation morale et judiciaire : la police, la justice et les citoyens étaient totalement libres de minimiser la définition réelle en se basant sur leurs avis personnels. Ce qui s’oppose fermement avec le principe d’impartialité de la Justice.

Ainsi, l’apport majoritaire de la loi de 1980 a été de définir précisément le viol, et se faisant, l’absence de consentement constitua l’élément essentiel pour le caractériser :

« tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise, [constitue un viol ]».

Depuis, une différence entre l’attentat à la pudeur et le viol s’opère. Si l’attentat à la pudeur désigne tout acte sexuel non consenti imposé et/ou une atteinte à l’intégrité sexuelle de la personne, il ne va pas jusqu’à la pénétration sinon il s’agit d’un viol.

Par ailleurs, la définition individuelle du viol étant ainsi établie, sa gravité le fut avec. De cette façon, la peine encourue fut alourdie à 15 ans de réclusion criminelle.

C’est la criminalisation d’un acte qui, auparavant, était un délit systématiquement jugé comme tel, sauf si mort s’en suivait.

Ce fut donc une première victoire pour Me Halimi, et pour toutes les femmes, lorsque l’État le définit et le reconnaît enfin individuellement.

Pourtant, si cette loi constituait une avancée législative et légale indéniable, d’un point de vue sociétal, le viol n’était toujours pas reconnu comme un crime. En effet, il était toujours perçu comme un délit et donc jugé avec conciliance. À raison d’une centaine de milliers de viols par an environ, on estime que seuls 1% des viols déclarés aboutissaient à une condamnation.

Cette consécration légale portée par Me Halimi a aussi facilité la reconnaissance du viol conjugal.

Historiquement les mariés étaient tenus à une présomption de consentement, c’est-à-dire qu’en se mariant, le consentement était donné une fois pour toutes.

En faisant du consentement l’élément essentiel afin de caractériser un viol, les institutions finirent par reconnaître que la présomption de consentement ne vaut que jusqu’à preuve du contraire (càd s’il n’est pas donné ou s’il est retiré).

Par la suite, la loi l’a officiellement reconnu le 4 avril 2006, et a ajouté que la viol entre conjoints constitue une circonstance aggravante pouvant mener à une peine de 20 ans de prison.

Selon le Collectif Féministe Contre le Viol et la Fondation des Femmes, sur environ 100 000 viols déclarés par an, 47% d’entre eux seraient commis par le conjoint ou l’ex-conjoint de la victime. Ainsi, le contexte dans lequel, le viol ne pouvait exister entre époux constituait une zone de danger majeure qui favorisaient les violences sexuelles impunies en niant leur existence.

L’enjeu de la reconnaissance du viol conjugal est donc primordial.

Si vous avez été victime de viol ou de violences conjugales, les juristes du CIDFF sont à votre écoute au 03.22.45.03.51. Sinon, vous pouvez contacter le 3919 qui est un numéro national, d’écoute, anonyme, gratuit et joignable 7j/7.

Article rédigé le 23/12/2023 par Zély Vadurel